Transition énergétique

Conférence RexelExpo : Électrification, automatisation, digitalisation : les clés d’une industrie française compétitive

Au croisement de la souveraineté industrielle et de la décarbonation, l’électrification s’impose comme un levier stratégique de compétitivité pour l’industrie française. Cette conférence explore les synergies entre électrification, automatisation et digitalisation, et la manière dont elles transforment les modèles de production et d’innovation. 

Conférence RexelExpo : Électrification, automatisation, digitalisation : les clés d’une industrie française compétitive

Comment l’électrification devient un levier stratégique de compétitivité pour l’industrie française ?

Avec Luc Rémont, grand témoin, Président d’honneur d’EDF

Et les interventions de :

  • Emmanuel Caille, Directeur industriel, Groupe Atlantic
  • Johan Caux, Responsable innovation, Bpifrance
  • Alice Connan, Directrice Industrie, Rexel France
  • Thomas Huriez, Fondateur, 1083
  • David Lolo, Économiste, La Fabrique de l’Industrie

L’industrie française à la croisée des chemins.

Affecté par un lent processus de désindustrialisation qui a abouti à de nombreuses problématiques de souveraineté, ce secteur stratégique tente aujourd’hui de relever la tête. Si les défis sont légion, la France ne manque pas d’atouts pour remporter le pari d’une reconquête industrielle que le chef de l’État Emmanuel Macron qualifiait en mai 2023 de « mère de toutes les batailles ». Dans un pays qui est le troisième acteur industriel en Europe et qui compte de nombreux fleurons, l’enjeu de reconquête d’une souveraineté industrielle passe nécessairement par un renforcement de la compétitivité des acteurs existants face à la redoutable concurrence de la Chine, « atelier du monde »  devenu champion mondial de l’innovation. 

Dès lors, comment remporter cette bataille décisive de la compétitivité ? Dans le sillage de la transformation du secteur imposée par la nécessaire entreprise de décarbonation, trois mots clés s’imposent : électrification, automatisation et digitalisation. Partenaire de nombreux champions industriels français de l’électrification, des câbles et du génie climatique dont il distribue les solutions, Rexel France a tenu à mettre en lumière ces enjeux à l’occasion d’une conférence panoramique exceptionnelle au cœur de RexelExpo, le grand rendez-vous des acteurs de l’électrification qui a drainé plus de 30 000 visiteurs. 

Animée par la journaliste Dorothée Martin, cette conférence a été l’occasion de profiter du retour d’expérience unique de Luc Rémont, président d’EDF de novembre 2022 à mars 2025 et toujours président d’honneur de l’énergéticien. Un témoignage exceptionnel suivi d’une table ronde qui a réuni Alice Connan, directrice Industrie de Rexel France, Emmanuel Caille, directeur général Industrie du groupe Atlantic, David Lolo, économiste et chef de projets à La Fabrique de l’Industrie, Johan Caux, responsable sectoriel Innovation à BPI France et Thomas Huriez, fondateur et dirigeant de 1083, jeune entreprise made in France du textile. 

Le grand témoignage de Luc Rémont

En préambule, Luc Rémont, acteur de longue date de l’industrie française, a rappelé que l’Hexagone fourmille d’« entreprises de toutes tailles qui sont des leaders mondiaux nés en France et développés en France », saluant notamment les champions français présents à RexelExpo, dont Legrand, Schneider Electric, Nexans ou encore Atlantic. Le capitaine d’industrie n’a toutefois pas éludé les défis auxquels les industriels doivent faire face, à commencer par la faiblesse de la croissance européenne et un problème structurel de « vitesse ». « Il y a quelques années, quand je voulais doubler une usine en Inde, il s’écoulait dix-huit mois entre le moment où j’en exprimais le besoin et celui où l’usine tournait. En Europe, et en France particulièrement, une création d’usine ne se fait pas en moins de cinq ans. Notre principal handicap est là (…) En Inde ou en Chine, il y a une angoisse du temps qui passe, il faut que nous retrouvions cette angoisse, c’est notre premier défi » a expliqué Luc Rémont, saluant le rapport Draghi comme un premier pas encourageant.  

M. Rémont est ensuite revenu sur l’épineuse question du prix de l’électricité, qui a pu lui valoir des tensions avec les industriels au cours de son mandat. Une page largement tournée. « Lorsque l’on m’a appelé pour diriger EDF, le prix de l’électricité en France était de 1 000 euros du mégawattheure, et nous n’étions pas sûrs de passer l’hiver. Trois ans et demi plus tard, le prix de l’électricité formulé pour cinq ans auprès de tous les industriels qui le souhaitent est autour de 60 euros du mégawattheure. C’est le meilleur en Europe, il est totalement décarboné et il fournit de l’électricité même quand les autres n’en ont pas, ce qui est une grosse différence par rapport à certains autres systèmes électriques », a-t-il souligné.

L’enjeu énergétique au cœur des problématiques de compétitivité 

Reconnaissant volontiers que la question du prix de l’énergie est un enjeu crucial pour les industriels, M. Rémont a tenu à revenir sur le fonctionnement du marché européen de l’électricité. « Il a l’avantage d’offrir une forme de résilience du système électrique européen en étant capable de trouver de l’électricité à n’importe quel moment. Nous, Français, en avons bénéficié pendant dix-neuf ans, nous avons exporté tous les ans à nos voisins », à l’exception d’un point de tension conjoncturel en 2022 lié à la guerre en Ukraine et à un problème industriel sur le parc nucléaire français. « L’inconvénient de ce système, qui est en train de se résorber, c’est son instabilité. Il y a des moments où les prix peuvent fluctuer en fonction des politiques publiques des différents pays. Ces fluctuations de prix ne sont pas bonnes pour l’investisseur qui réalise des projets d’électrification. Il fallait donc trouver une voie pour stabiliser le moyen terme. C’est comme cela que nous avons élaboré les fameux contrats à long terme qui ont fait couler un peu d’encre dans la presse. Ils offrent aujourd’hui des perspectives de cinq à quinze ans à des industriels qui avaient auparavant pour seule visibilité l’année suivante », s’est-il félicité. 

Aussi bénéfique soit-il, ce système « ne résout pas tous les problèmes de compétitivité énergétique du pays ». « Là où on a un énorme gap de compétitivité sur l’énergie, c’est sur le gaz et le pétrole. Une molécule de gaz en Europe qui vient d’ailleurs est quatre fois plus chère que la même molécule de gaz consommée aux États-Unis. Donc, pour nos industriels, c’est là que se trouve le plus grand défi, et la solution, c’est de décarboner de façon compétitive ». Comment ? « En travaillant de façon complète sur la totalité du process industriel : en y mettant de l’automatisation, de l’efficacité énergétique, de l’électricité et in fine un saut complet vers l’électrification. » 

« C’est Versailles ici ! Mettons les watts ! »  

En conclusion de son intervention, M. Rémont a estimé que parmi les autres enjeux pour l’industrie européenne, figure l’agressivité commerciale des superpuissances que sont la Chine et les États-Unis. « Il faut protéger notre marché et la prise de conscience commence à se faire. Mais entre la prise de conscience et l’action, il peut se passer un peu trop de temps chez nous par rapport aux autres » a-t-il martelé, appelant également à accélérer la mise à l’échelle « quitte à changer de pied » car « on a tellement peur de se tromper qu’on met 5 ans à réfléchir. Eux, ils se trompent, ils changent ». M. Rémont s’est finalement montré optimiste sur les opportunités à venir : « On a une chance : le digital permet un gain de productivité. En France, on n’a pas été les meilleurs sur l’automatisation grâce aux robots, on peut être les meilleurs sur l’étape d’après grâce à l’intelligence artificielle ou à la personnalisation de masse qui est un atout de différenciation très important dans l’industrie aujourd’hui ». Enfin, le président d’honneur d’EDF a rappelé que la France est « la seule région du monde à avoir un surplus d’électricité disponible », ce qui a lui a inspiré le détournement d’un célèbre slogan publicitaire : « C’est Versailles ici ! C’est bien ça qu’il faut dire à tous les utilisateurs d’électricité. Donc allons-y, mettons les watts ! ».

Industriels et experts réunis autour de Rexel France pour une table-ronde grand format

Ces propos plein de panache ont ensuite permis d’introduire la table-ronde qui est rentrée plus spécifiquement dans le détail des enjeux pour les industriels. L’économiste David Lolo a commencé par rappeler que de nombreux « verrous » restent à lever pour permettre à l’industrie de s’électrifier. Selon lui, trois enjeux sont essentiels : la rentabilité de l’effort d’électrification, le prix de l’électricité et le développement des infrastructures de production et de transport d’électricité. 

Responsable sectoriel innovation à BPI France, Johan Caux a poursuivi les échanges en évoquant les aides à l’investissement publiques comme levier pour surmonter les freins potentiels. « On sait que parmi les équipements qui permettent l’électrification de l’industrie, un certain nombre sont des dispositifs innovants, encore peu répandus, comme les pompes à chaleur haute température. Sur ce type d’équipement, l’accompagnement financier permet aux industriels de franchir le pas et de partager le risque avec l’Etat. Mais à la fin, c’est l’Etat, la société française et les industriels qui seront gagnants puisqu’ils vont gagner en compétitivité en remportant des marchés, en vendant un peu plus cher leurs produits finaux et en ayant une meilleure empreinte carbone » a expliqué M. Caux. 

Automatisation et robotisation : un retard à rettraper 

Directrice Industrie de Rexel, Alice Connan a ensuite tenu à évoquer un autre enjeu phare pour le secteur : celui de la maintenance. En France, son coût est ainsi estimé à quelque 23 milliards d’euros pour les industriels. « Le parc moyen de l’automatisation a une moyenne d’âge de 15 ans en France. Cela vous donne une idée du retard que l’on a » a-t-elle souligné, évoquant un devoir « d’accompagner les industriels dans la mise à jour de leurs technologies, que ce soit l’automatisation ou la digitalisation pour réduire les pannes ». Elle a également rappelé que, pour un industriel « une heure d’arrêt de la production peut coûter des dizaines de milliers d’euros ».

« Ces solutions, dont parle Alice, sont très flexibles et bien plus pilotables que les solutions fossiles anciennes »  a rebondi Emmanuel Caille, Directeur général Industrie du groupe Atlantic. « Le fait de collecter l’information en digital sur l’avancement de nos process dans nos usines en France, ça fait gagner une heure à chacun des animateurs de production des usines du groupe »  a rapporté M. Caille. Reconnaissant le retard préjudiciable de la France en la matière, il a ensuite mis en avant l’attitude proactive du groupe qu’il dirige. Champion de la pompe à chaleur, Atlantic investit ainsi 150 millions d’euros par an dans ses usines. Un effort qui lui permet notamment de renforcer significativement son parc de robots. Un véritable atout concurrentiel alors que l’Hexagone accuse un net retard en matière de robotisation. « La croissance de la robotisation en France est d’environ 3 % quand le niveau mondial est à 7 % et certains pays européens à 12 % » a ainsi constaté Johan Caux. 

La technologie et l’humain, alliage gagnant de la compétitivité industrielle

Mais les moyens d’un groupe industriel historique sont forcément sans commune mesure avec ceux d’une jeune pousse. Chantre du Made in France et patron de la jeune marque de textile 1083, Thomas Huriez a ainsi loué l’apport décisif de l’automatisation dans ses usines pour automatiser certaines tâches pénibles tout en rappelant le défi que représente l’achat de machines ou le financement de nouvelles usines. « Ça reste toutefois moins grave que de perdre notre culture industrielle », a-t-il poursuivi, jugeant que « l’énergie dont on a le plus besoin, c’est l’énergie des gens ». Finalement, « si personne ne postule dans nos usines, on n’aura pas les gens pour produire (…) Si on prend soin de nos métiers, de nos équipes, on va recréer de la culture industrielle et développer de la désirabilité et de la confiance dans nos filières. La technique, c’est très bien mais la compétitivité passe également par l’humain ».

Un point sur lequel ont vivement acquiescé l’ensemble des intervenants. « Lorsqu’on accompagne Atlantic sur un de ses sites pour optimiser les consommations d’énergie via la digitalisation, on mandate un installateur local justement pour faire vivre cet écosystème et donner cette fierté par rapport à l’implémentation des nouvelles technologies »  a réagi Alice Connan. La directrice de Rexel France a ensuite prévenu que la digitalisation et l’automatisation doivent aller de pair avec une stratégie de cybersécurité. « On voit de plus en plus d’industriels se faire attaquer alors qu’il existe des solutions assez simples sur lesquelles on peut leur proposer un accompagnement qui peut être dans la proximité locale avec par exemple les data centers »  a-t-elle rappelé. 

En conclusion, les quatre intervenants se sont accordés sur trois grands piliers incontournables pour rendre l’industrie française plus compétitive : le soutien à l’innovation, un prix de l’électricité accessible et prévisible et un travail en profondeur sur la désirabilité de l’industrie. « Tout le monde peut agir en achetant français. On a des industriels français comme Atlantic et 1083 qui fabriquent en France, il faut les aider. On a suffisamment d’hommes et de technologies pour gagner en compétitivité mais c’est à nous tous de valoriser les industriels qui produisent en France » a conclu Alice Connan.

Crédits photo : © Awen photos – Xavier Delouche-Vocourt

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