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Le media
de l’électrification
La France ambitionne de devenir un hub mondial des data centers, moteur d’investissements majeurs, notamment au service de l’intelligence artificielle. Cette table ronde explore l’équation stratégique que cela représente : comment concilier cette course à la puissance avec les impératifs de souveraineté numérique, de sécurité des données et surtout de durabilité environnementale, tout en répondant aux besoins colossaux que cela engendre pour le réseau électrique français ?
Explorez l’équation stratégique des data centers, en présence de :
Ils sont déjà plus de 300 en France et leur nombre ne cesse de croître. Ils devraient représenter plus de 4GW de puissance installée en 2035 contre 714 MW en 2024. Ils génèrent plus de 30 000 emplois directs dans le pays. Eux ? Ce sont les data centers, ces espaces de stockage qui regroupent des milliers de serveurs abritant des milliards de données. Nos données, celles qui sont issues de nos vies numériques de plus en plus étoffées et qui intègrent désormais nos usages de l’intelligence artificielle.
De quoi largement alimenter la poursuite de la croissance exponentielle de ces centres de données appelés à pousser comme des champignons. Entre puissance, sécurité et souveraineté de la donnée, ceux-ci posent désormais une équation stratégique. En plein essor et encore en phase de structuration, la filière doit encore affronter un certain nombre de défis, entre complexité administrative, besoins en raccordement électrique et acceptabilité sociale.
Autant d’enjeux qui ont été mis sur la table à l’occasion d’une conférence exceptionnelle qui s’est déroulée en octobre dernier au cœur de RexelExpo 2025, le grand rendez-vous des acteurs de l’électrification qui a drainé plus de 30 000 visiteurs. Autour d’une table-ronde orchestrée par la journaliste Marjorie Paillon, était ainsi réuni un panel d’acteurs clés et grands noms du secteur, parmi lesquels Fabrice Coquio, SVP & Managing Director de Digital Realty France et administrateur de France Datacenter, Jean-Philippe Bonnet, Directeur Adjoint du Pôle Économie, Stratégie et Finances de RTE, Hélène Macela-Gouin, Vice-présidente Secure Power et Data Centers Business de Schneider Electric France et vice-présidente de France Datacenter et Mathieu Nazarally, Directeur Commercial et Marketing de Conectis by Rexel.
Quelques mois après le Sommet Choose France, qui avait donné lieu à de nombreuses annonces d’investissements en la matière dans l’Hexagone, la France pourrait-elle devenir le nouvel eldorado des data centers ? Pour Fabrice Coquio, représentant d’un groupe (Digital Realty) qui est numéro 1 mondial des opérateurs de data centers et qui en compte déjà 13 en région parisienne et 4 à Marseille, il y a bien « un appétit considérable » et une « accélération ». Mais aussi une réalité intangible : « On est sur des taux de croissance de la data de l’ordre de 130 à 140 % par an. Il faut comprendre le sous-jacent : on ne fait pas des data centers pour s’amuser mais parce qu’on crée tous de la data, il faut bien la traiter et c’est donc une infrastructure essentielle ».
Pour M. Coquio, l’accélération actuelle doit également être comprise comme « un énorme effet de rattrapage » en France. Il a ainsi rappelé qu’à l’heure actuelle, « il y a moins de puissance informatique data centers installée en France qu’aux Pays-Bas ». Un pays près de quatre fois moins peuplé que l’Hexagone. Un retard français, y compris vis-à-vis de pays comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne qu’a également déploré Hélène Macela-Gouin : « ‘Data is the new oil’, c’est ce que disent les Emiratis et c’est assez parlant car on ne se passera pas de la data et si elle n’est pas en France, elle sera ailleurs ». Pour Mme Macela-Gouin, ce retard est d’autant plus dommageable que la France bénéficie de nombreux atouts uniques comme son « électricité abondante et décarbonée ». « On a une énergie décarbonée, un peu de foncier et beaucoup de réseaux télécom donc on a les trois éléments fondamentaux pour faire du data center » a ajouté M. Coquio. Concernant le raccordement, il a pointé un besoin de « prévisibilité » et de travail sur « la montée en puissance de la puissance souscrite en raison d’un énorme écart entre puissance et consommation ».
Du côté du régulateur public en charge du raccordement, Jean-Philippe Bonnet a indiqué que « depuis deux ans, RTE a étudié le raccordement de 500 projets ». « Sur ces 500 projets, 70 ont signé pour une puissance moyenne de 200MW, ce qui veut dire qu’aujourd’hui, nous avons alloué des droits de capacité pour 14GW soit l’équivalent de la totalité de la consommation industrielle française » a souligné M. Bonnet. « Est-ce que tous ces projets se feront, est-ce que c’est le rattrapage souhaité ? Est-ce qu’il y a une bulle spéculative ? C’est très difficile de le dire. Cette machine qui s’emballe conduit à ce que ça coince à tout un tas de niveaux : équipements électriques, services administratifs instructeurs de l’Etat et des collectivités locales et effectivement au niveau du réseau » a énuméré le cadre de RTE.
Sur l’épineuse question du raccordement, M. Bonnet a répondu sans fard : « C’est parfois très compliqué de raccorder. Il faut traverser des communes, des propriétés privées, etc. Donc il y a des délais qui peuvent être très longs. Là, les opérateurs doivent apprendre à bien réfléchir à leur implantation au regard du réseau existant ». Jean-Philippe Bonnet a aussi justifié le besoin de régulation : « Pour pouvoir suivre l’évolution de la puissance, il faut que le réseau soit adapté. Il n’est pas question de faire disjoncter Marseille ou l’Île-de-France. Donc on mène un travail pour objectiver les montées en charge ». Pour autant, RTE est loin d’être réfractaire à l’idée que la France devienne un « eldorado » des data centers : « C’est beaucoup mieux pour la planète et pour notre souveraineté que ce soit chez nous mais pas n’importe où et pas n’importe comment. Il nous faut un minimum de planification ».
Face à ces problématiques, entre des opérateurs qui veulent de la vitesse et un régulateur qui plaide pour de la planification, existe une troisième voie, complémentaire : celle des micro data-centers. « Pour l’hébergement de données, il y a effectivement un temps, une latence. Lorsqu’on est une industrie notamment 4.0, à un moment on se dit qu’il y a peut-être un moyen de conserver la donnée au plus près, en local. C’est aussi un sujet de souveraineté alors que tous les hébergeurs ne sont pas français. Nous sommes ravis d’avoir des champions du data center en France mais peut-être que la solution est hybride. On pourrait avoir par exemple en disponibilité directe sur un site en local chez un industriel, avoir un jumeau un peu plus loin et un système d’hébergement pour avoir un back-up » a expliqué Mathieu Nazarally, Directeur Commercial et Marketing de Conectis by Rexel.
« Quand on parle de souveraineté, on parle de cybersécurité, de failles potentielles. Plus on augmente de noeud, plus il y a une surface d’attaque potentielle. Le fait de ramener cette disponibilité en local permettrait de réduire les failles systèmes et faciliter le redémarrage d’activité. La solution Edge me semble donc être la plus pertinente » a-t-il poursuivi. Pour autant, une mise en concurrence avec les grands opérateurs n’aurait aucune pertinence. « Nous sommes complémentaires sur des hébergeurs et on a besoin de champions comme Digital Realty, de RTE qui nous aide à faciliter le raccordement et des super-équipementiers comme Schneider » a précisé M. Nazarelly. « On a besoin de data centers de proximité pour des tas de raisons. Il y a de la place pour tout le monde, il y a une segmentation mais il ne faut pas se tromper d’échelle » a réagi Fabrice Coquio.
« L’enjeu, c’est aussi comment rendre notre pays attractif. Effectivement, on doit séduire des géants mondiaux sur notre territoire. Mais on a aussi des PME et des ETI qui produisent. Je pense qu’il faut les deux : des grands data centers pour attirer toujours plus d’acteurs internationaux mais aussi fluidifier sur l’accompagnement de nos entreprises locales qui ont besoin d’être upgradées et accompagnées » a conclu M. Nazarally. « La demande est diverse. Il y a des demandes IA pour des data centers de plus en plus gros et des demandes de proximité ou de edge super localisé. Tout cela est complémentaire » a acquiescé Hélène Macela-Gouin.
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Crédits photo : © Awen photos – Xavier Delouche-Vocourt